Il faut parler.
Il faut parler.
On me demande de parler.
Si l’on me demande de parler, cela veut dire que je ne suis pas en train de parler ?
Mais je parle, je me parle dans ma tête.
Si je me parle dans ma tête, ça ne compte pas comme « parler »?
Car « parler » nécessite toujours faire sortir la voix de la gorge, laisser des mots couler de la bouche ?
Mais, dans ce cas, parler, c’est casser l’équilibre établi, ou plutôt acquis, entre la bouche fermée, le corps muet et où l’on est.
C’est rompre la sensibilisation de notre pensée éveillée par l’air entourant notre corps muet mais sensible.
Parler serait avoir une envie ou un besoin qui insuffle une force dans l’intérieur du corps
et cette force fait vibrer le corps et fait bouger la bouche,
enfin projette un morceau de soi dans l’air, à l’extérieur, sous la forme d’une parole.
On me demande de parler, tout simplement.
Mais tout simplement, parler, ce n’est pas une chose toute simple.
Beaucoup de questions se posent en avant, avant de parler.
« Parler de quoi ? » « Commencer par où ? »
« Parler à qui ? » « En quelle langue ? » « Y a-t-il quelqu’un qui écoute ? »
« Parler pour faire comprendre ou pour nous l’éclaircir ? »
« Parler pour se dévoiler ou … pour se cacher ? » … etc.
Les réponses à toutes ces questions orientent le sens de la parole.
La parole qui sort de la bouche semble toute légère,
autant qu’elle se dissipe aussitôt de son apparence, mais a véritablement un poids réel, parfois même très lourd.
C’est ainsi : parler tout simplement n’est pas tout simple.
On me demande de parler.
Lorsque je suis encore en train de me creuser la tête pour pouvoir bien faire couler des mots,
on ne m’attend plus. On est déjà parti.